« On a peur que vous nous preniez pour des fous si on vous raconte l’histoire »
Difficile de regarder le maigre teaser d’Incroyable mais vrai, qui constitue également la toute première scène du film, sans avoir envie d’en savoir plus. Dans cette critique, je tenterai d’en dévoiler aussi peu que possible sur l’intrigue du nouveau film de Quentin Dupieux, car il gagne beaucoup à être découvert sans la moindre idée de ce qui nous attend. Comme à son habitude, le réalisateur français adepte de l’absurde risque de prendre au dépourvu, tant par la logique loufoque qui régit le monde qui nous est présenté, que par ses personnages et leurs interactions souvent surréalistes.
Incroyable mais vrai s’inscrit véritablement dans la deuxième moitié de la filmographie de son auteur, celle où l’absurde s’immisce principalement dans le récit par un élément perturbateur bien identifié. Ainsi, là où il est question d’une mouche dans Mandibules ou d’un manteau dans Le Daim, il s’agit ici d’une mystérieuse cave dans la maison récemment acquise par Alain et Marie, interprétés par Alain Chabat et Léa Drucker. La réaction très différente de chacun des personnages à cet élément incongru permet au film d’introduire ses thèmes principaux : le temps qui passe, la vieillesse, l’image que l’on a de soi, et comment ces problématiques sont perçues différemment selon le genre. Cette différentiation vient être renforcée par le personnage aux traits excessivement virilistes joué par Benoit Magimel, qui offre encore une nouvelle perspective sur le sujet. Ces thématiques plutôt nouvelles dans le cinéma de Dupieux sont traitées de façon très imagée, parfois même un peu trop à mon goût. En effet, les symboles utilisés pour souligner le propos sont assez peu subtils (si vous avez vu le film, vous voyez très bien à quoi je fais référence), donnant véritablement un aspect de fable au récit. Si cela peut plaire à certains, je regrette à titre personnel l’ambiguïté caractéristique d’autres œuvres du même réalisateur, Réalité en étant certainement l’exemple le plus parlant.
Malgré cela, le casting est, comme à l’accoutumée dans les Dupieux récents, impeccable, et tous les acteurs sont excellents, remarquablement mis en valeur par des dialogues criants de naturel et une mise en scène minimaliste mais efficace. Rien de très surprenant dans la forme, on retrouve les codes habituels du réalisateur : des décors simples filmés avec une colorimétrie très pâle et beaucoup de zooms, accompagnés d’une bande originale électronique qui plaira aux amateurs. On retrouve finalement la grande liberté dont jouit Quentin Dupieux dans ses derniers « longs » (1h15 seulement) métrages, et on prend indéniablement plaisir à découvrir tous les mystères d’Incroyable mais vrai, même si ce dernier n’est pas aussi drôle qu’un Mandibules, ni aussi grave qu’un Le Daim, ni même aussi dérangeant qu’un Réalité.
Sortie le 15 juin 2022