« Fumer c’est nul. Ça fait tousser. »

Fumer fait tousser est le nouveau film génialement absurde sorti tout droit de l’imaginaire aussi tordu que fécond de Quentin Dupieux, qui nous avait déjà présenté son Incroyable mais vrai il y a à peine 6 mois. Et il confirme d’entrée de jeu ma théorie sur la filmographie récente de son réalisateur : ce dernier alterne entre des drames au ton plus grave (Réalité, Le Daim), tentant d’aborder des thématiques un peu sérieuses, et des comédies bien plus légères et décalées (Au Poste, Mandibules), où l’absurde est principalement au service du rire. Et Fumer fait tousser s’inscrit très clairement dans cette seconde lignée. On y suit les cinq justiciers de la Tabac Force, sorte de Power Rangers capables d’enfumer leurs ennemis, en pleine retraite de groupe afin de renforcer leur cohésion avant d’aller sauver le monde. Durant ce séjour, ils seront amenés à se raconter autour du feu des contes pour se faire peur, qui prennent alors vie devant nos yeux.

Comme son pitch le laisse entendre, Fumer fait tousser adopte rapidement une tournure de film à sketchs, entrecoupés de scènes de vie de nos cinq super-héros. Cette structure mène à 80 minutes très denses, peut-être un peu inégales mais sans réelle baisse de rythme pour autant. Pas le temps en effet de s’ennuyer devant la très vaste galerie de personnages et de situations qui nous sont présentés, d’autant plus que l’on prend un malin plaisir à essayer de deviner quelle célébrité fera son apparition dans la prochaine histoire, et quelle fin atroce lui sera réservée. Comme à l’accoutumée dans les films de Dupieux, l’absurde nait du décalage entre le premier degré imperturbable des personnages, et les événements bizarres voire surnaturels qui leur arrivent. Cette formule est ici poussée à son paroxysme, et ne manquera pas de satisfaire les adeptes du genre, mais elle pourrait potentiellement laisser de côté certains spectateurs, moins réceptifs à ce mécanisme. Pour autant, tous pourront apprécier une esthétique très travaillée, enrichie par de nombreux costumes et marionnettes de monstres. Mention spéciale à Didier, le rat baveux et libidineux interprété par Alain Chabat, dont chacune des apparitions crève l’écran.

En résumé, Fumer fait tousser est un intriguant mélange entre un dessin-animé de super-héros, une sitcom des années 80 et un film d’auteur subversif, dont la narration morcelée permet de mettre à l’honneur un large casting digne des plus gros blockbusters du cinéma français. Rajoutez à cela une bonne dose de gore, de créatures poisseuses, et d’humour très efficace, et vous obtenez l’un des films les plus créatifs et généreux de l’année.

Sortie le 30 novembre 2022

Catégories : Critique de film