“Do you know who we remember for how nice they was in the 17th century ? Absolutely no one.”

Pádraic est un jeune homme simple, vivant avec sa sœur et son âne miniature sur la pittoresque île d’Inisherin, au large des côtes irlandaises. Il passe la majeure partie de ses journées au pub, à raconter sa vie à son grand ami violoniste Colm. Mais un beau jour, Colm décide d’arrêter de fréquenter Pádraic, car il trouve ce dernier ennuyeux, et leurs conversations inutiles l’empêchent de composer les musiques qu’il souhaite léguer au monde après sa mort. Dépité, le pauvre Pádraic cherche à réparer cette relation brisée, mais il ne fait qu’agacer son ancien ami. Le conflit commence alors à s’envenimer et à s’étendre sur cette petite île d’Inisherin, où tout se voit, s’entend, et se sait.

The Banshees of Inisherin est le premier film de Martin McDonagh depuis l’excellent Three Billboards Outside Ebbing, Missouri. Dans ce long-métrage multi-oscarisé de 2017, le réalisateur disséquait la vie bouleversée d’une petite ville typiquement américaine ; il s’intéresse désormais avec son nouveau film à un tout autre décors, celui d’une île calme et typiquement irlandaise. Pourtant, on y retrouve la même volonté, celle d’observer l’intrusion du dramatique au sein d’une population d’ordinaire très tranquille. En effet, alors même que la guerre civile fait rage sur le continent irlandais, les habitants d’Inisherin semblent vivre hors du temps, à s’occuper de leurs animaux et à commérer, au pub ou à la sortie de la messe. The Banshees of Inisherin est ainsi une véritable plongée dans un quotidien aussi monotone que fascinant, bercé par le folklore irlandais. L’immersion est renforcée par des paysages magnifiques, baignés d’une lumière naturelle filmée avec grand talent.

Mais le film est loin de n’être que contemplatif ; il retient toute l’attention du spectateur pendant deux heures avec des personnages qui sont, tout comme les décors, hauts en couleur. Leurs interactions, pourtant souvent austères, provoquent à de nombreuses reprises le rire grâce à d’excellents dialogues, sublimés par un charmant accent irlandais. Pour autant, ce ton parfois léger n’empêche pas certaines scènes de véritablement nous briser le cœur, tant les différents protagonistes sont malheureux, ou ressentent une grande détresse. De leur désespoir naissent de belles réflexions, sur l’ennui, la solitude, l’amitié, et plus généralement, sur le sens d’une vie. A plusieurs reprises, le film nous interroge : cela vaut-il le coup d’être apprécié de son vivant, si l’on est immédiatement oublié après sa mort ?

The Banshees of Inisherin est un beau film empli de mélancolie, qui, même s’il n’atteint pas à mon avis le génie du précédent film de son réalisateur, trouve constamment un équilibre admirable entre profonde tristesse et douceur paisible.

Sortie le 28 décembre 2022

Catégories : Critique de film