Luca Guadagnino
(sortie le 23/11/22)

« Bones and all » ne parle pas de cannibalisme, c’est un prétexte, un outil pour parler d’amour ou plutôt des amours. Certes le postulat du film peut surprendre voire choquer: des humains forcés d’en manger d’autres, mais sous la peau du récit se trouve de quoi nourrir la réflexion de chacun. 

« Bones and all » est d’abord dérangeant, de par son ambiance, ses personnages marginalisés, décentrés sur l’image, ainsi que sa musique timide qui peine à passer de l’intra- à l’extradiégétique. Puis, suivant le road trip du couple protagoniste composé par Timothée Chalamet et l’excellente Taylor Russell, le film s’apaise à mesure que les personnages se trouvent une normalité.

Le talent du duo principal est soutenu par des acteurs au talent immense en la présence de Michael Stuhlbarg (proche du Joker de Joaquin Phoenix) et de Mark Rylance, qui joue avec délice sur l’ambiguïté de son visage exagérément rassurant.

Il faut dire que Luca Guadagnino, par ses choix de cadres, de lumières ou encore de focals sait mettre en valeur le travail de ses comédiens et comédiennes. 

Le réalisateur de Call me by your name (que l’on espère pas trop inspiré par Armie Hammer pour ce long-métrage) propose une œuvre riche où la symbolique de la tension cannibale dépasse celle de la tension sexuelle.

Ici Luca Guadagnino aborde les émotions réfrénées qui nous rongent, et qui à force de refoulement, finissent par blesser notre entourage proche. De la quête de nous-mêmes aux fardeaux que l’on nous lègue, la fureur des sentiments n’attend que l’amour comme détonateur à l’explosion de soi.

Finalement, le postulat cannibale du film est autant une force qu’un désavantage, puisque l’émotion tend à s’effriter dans les scènes trop spectaculaires, et le choquant prend parfois le dessus sur le sensible.

  • Pierre Gabioud