Mario Martone
(sortie le 23/11/22)
Pourtant fort d’une grande richesse, le cinéma italien actuel peine à se distribuer à l’étranger et plus particulièrement chez son voisin français, à l’image des films de Mario Martone dont pratiquement aucun n’a été distribué en France suite à l’échec commercial de l’un d’eux (d’où l’importance d’aller en salle !).
C’est entre autres pourquoi son nouveau film, « Nostalgia », est une coproduction franco-italienne, qui lui assure une distribution en France que nous espérons pérenne pour ses prochains projets.
Surtout que Mario Martone est un réalisateur talentueux et touche à tout. Metteur en scène de théâtre et d’opéra renommé en Europe, il sait raconter des histoires aussi bien sur scène que sur l’écran.
Avec « Nostalgia », il fait parler toute son immense expérience de la scène, mais de manière inattendue. Puisqu’il en maîtrise parfaitement les codes, il sait exactement comment s’en éloigner pour exploiter le média cinématographique au maximum.
Enchaînant les PAN (mouvement de caméra où celle-ci rotationne sur elle-même) pour faire des 360°, les mouvements de grues, des traveling avant pour chercher la profondeur, Mario Martone explore l’espace autour des personnages et s’amuse de toute la liberté d’action qu’offre une caméra. Au-delà de la cinématographie, il s’affranchit de toutes les contraintes de format, d’environnement, de temporalité qu’impose habituellement la scène et propose un cinéma à la mise en scène plus aérienne et légère.
L’intérêt du film est en revanche restreint à sa forme, car le fond, co-écrit par Mario Martone et sa femme Ippolita Di Majo, manque étonnamment de substance à l’exception de quelques fulgurances. L’histoire d’un homme revenant après 40 ans dans sa ville natale, Naples, et dont les souvenirs souvent idéalisés se confrontent à la réalité du présent, manque d’originalité. Et alors que la première partie du film semblait pleine de promesse, notamment grâce à une magnifique scène de bain entre le protagoniste et sa mère infirme, la suite abordant sa relation avec son ami d’enfance devenu mafieux déçoit.
Mal amené, le parallèle entre les dualités de Naples (à la fois soumise aux problèmes modernes bien que profondément ancrée dans le passé) et l’évolution des deux hommes ne fonctionne pas, et la fin précipitée voire maladroite laisse le spectateur sur le sentiment amère d’une belle occasion gâchée.
- Pierre Gabioud