Steven Michael Hayes
(sortie 19/04/23)
“Jill” est une coproduction helvétique et allemande, d’un jeune réalisateur dont c’est le premier long-métrage : Steven Michael Hayes. Et malgré les origines très locales du projet, tourné dans Jura, “Jill” est un film suisse qui ne ressemble pas à un film suisse, avec l’avantage d’être plus universel et plus “grand cinéma” mais qui en contrepartie arbore un côté légèrement américanisé (dialogues en anglais, se déroule dans les forêts du Montana, …). Ce compromis fonctionne finalement très bien, notamment grâce à une belle photographie (nominée au prix du cinéma suisse) qui donne une âme et de la variété à ce film proche du huis clos.
L’intrigue, consacrée à une famille établie dans une forêt à l’écart de la société, n’est pas sans rappeler “Captain Fantastic” de Matt Ross qui étudiait déjà les attraits et limites d’un mode de vie alternatif, entre crainte/fascination/paranoïa vis à vis du monde extérieur.
Steven Michael Hayes utilise cette famille pas comme les autres pour aborder la parentalité dans son essence, dans un microcosme à priori préservé des influences sociétales. Et, associé intrinsèquement à ce thème, le regard de l’enfant sur ce qui l’entoure et la réflexion sur ce même regard une fois devenu adulte.
Cette dernière notion constitue le fil conducteur de l’intrigue, où l’on suit Jill, dernière-née et seule fille de la famille, qui se confronte à son histoire au travers de flash-back dont finalement son personnage est majoritairement exclu.
En fait, le film se concentre plus sur le reste de la famille, notamment les différents garçons et la mère, stéréotype de la femme douce, intelligente, mais impuissante et complètement soumise à son conjoint. Et alors que son conflit intérieur, entre ses devoirs maternels et son amour pour son mari et leur style de vie, est bien traité (aussi grâce à une très bonne performance de Juliet Rylance), on regrette qu’elle ne dépasse finalement pas les carcans classiques du personnage de la mère de famille.
D’autant plus que Jill est, dans les scènes se déroulant dans le présent comme dans le passé, plus fantomatique encore que sa génitrice. Ainsi, alors que mère et fille sont au centre du long-métrage, celui pêche cruellement dans l’écriture de ses personnages féminins…
Steven Michael Hayes nous propose donc un premier travail non sans défauts, mais tout de même encourageant pour la suite de sa carrière, et pour le rayonnement du cinéma suisse en général, que vous pouvez soutenir en allant le découvrir en salle dès le 19 avril.
- Pierre Gabioud