Chie Hayawaka
(sortie 03/05/23)
L’euthanasie gagne chaque année un peu plus en couverture médiatique, et cette tendance accompagnant le vieillissement inexorable de la population n’est pas prête de s’inverser. Les débats sur le prolongement de l’âge de la retraite en France sont d’ailleurs, sans réellement se l’avouer, les premières manifestations de cette problématique. Or l’euthanasie est un sujet tabou, complexe, violent, qui nous pousse à chercher d’un regard inquiet le réconfort dans celui des sages et de leur philosophie.
Et c’est en ça que “Plan 75” est important : il rend accessible une réflexion difficile en nous proposant une projection réaliste de ce que pourrait être un futur où l’aide à la fin de vie pour les personnes dès 75 ans serait accessible sans condition.
Face à la délicatesse qu’impose un tel postulat, en faire un film relève d’un véritable travail d’équilibriste auquel peu de réalisateurs auraient osé se confronter. Pourtant, et alors que c’est son premier long-métrage, la réalisatrice japonaise Chie Hayawaka a relevé le défi et en plus avec brio puisque que “Plan 75” a décroché le Grand Prix du Fribourg International Film Festival (FIFF) ainsi que la Caméra d’or (Mention Spéciale) au Festival de Cannes.
Les origines nippones de la réalisatrice s’avèrent en fait être un atout majeur dans l’écriture d’un tel film, premièrement parce que la notion de sacrifice occupe évidemment une place centrale dans la culture et l’histoire du Japon, mais aussi parce que le vieillissement de la population y est une problématique plus pressante qu’ailleurs.
Même si le choix judicieux du Japon comme cadre à l’intrigue permet de plus facilement mettre en exergue les raisons du Plan 75, les questionnements de fond restent universels. On y retrouve les habituels problèmes sociaux, technologiques et systémiques qu’impose la société sur les seniors, tout comme les difficultés du quotidien avec l’omniprésence de la mort, de la solitude, des maladies et du rejet.
Très lucide, le film ne manque pour autant pas de douceur et de compassion envers toutes les personnes impactées directement ou indirectement par un tel plan. Chie Hayawaka accompagne humblement le spectateur dans une réflexion pleine de finesse, n’excluant pas de l’équation la simple beauté inhérente à la vie.
On en ressort finalement troublés, nos convictions peut-être moins affirmées, mais sans aucun doute grandis d’une compréhension nouvelle sur une question dont la bonne réponse n’existe probablement pas.
- Pierre Gabioud