Soudade Kaadan
(sortie 17/05/23)

La première chose qui frappe avec le dernier long-métrage de Soudade Kaadan, avant même de voir le film, est son affiche. Tirée directement du plan le plus iconique de “Nezouh”, elle en résume à elle seule toute la profondeur. Tout y est : la poésie face à la destruction, l’imaginaire comme refuge à la guerre, la prison de pudeur imposée à certaines jeunes musulmanes, la force de l’amour pour s’en échapper, l’espoir du monde qui réside tout entier dans le regard de l’enfance.
Si une telle image est un point de départ idéal autour duquel un film peut s’articuler, elle est aussi un piège, puisque tout semble déjà y être dit… 

“Nezouh” prend place à Damas en Syrie, et s’intéresse à l’une des dernières familles habitant la capitale désertée de ses habitants, fuyant les bombes. L’une d’elles va d’ailleurs bouleverser les habitudes de la petite famille, composée d’un couple et de leur fille Zeina, en perçant un trou dans le toit de leur appartement. Cette nouvelle fenêtre sur le ciel et la liberté attire Zeina comme un aimant, alors que son père met tout en œuvre autant pour cacher les siens du monde extérieur que l’inverse. Obnubilé par le déshonneur qui, selon lui, accompagne le statut de réfugié, il refuse de quitter la ville en ruine. Son déni profond de la réalité se traduit également dans son rapport conflictuel avec sa fille et sa femme, s’émancipant peu à peu de la rigueur des traditions musulmanes alors que le monde s’effondre autour d’elles.

Le contexte de la guerre en Syrie rend particulièrement difficile une narration centrée sur l’espoir, et c’est pourtant le tour de force que parvient à accomplir Soudade Kaaran en proposant un film rempli de douceur et de poésie. Fort de symboles, le long-métrage s’accompagne de plusieurs niveaux de lecture, tout en gardant un caractère profondément humble. Peut-être grâce à une approche rappelant celle du documentaire (dont la réalisatrice a une grande expérience), à laquelle se mêle des touches oniriques, créant au final une atmosphère tout à fait unique. Même si on reste peut-être légèrement frustré que “Nezouh” ne pousse plus loin dans l’imagerie féerique, en accompagnant les enfants dans leur rêve avec un peu plus de conviction cinématographique, comme l’affiche nous laissait le supposer…

  • Pierre Gabioud