Iris Kaltenbäck
(sortie 11/10/23)

Vu à Locarno 2023 (4/10)

L’un des meilleurs (si ce n’est le meilleur) premier long-métrage présenté à Locarno cette année est sans conteste celui d’Iris Kaltenbäck qui, avec “Le Ravissement”, écrit et réalise un film déjà profondément mûr, digne des metteuses en scène les plus expérimentées. Cela n’a d’ailleurs pas échappé aux jurés de la Semaine de la Critique du Festival de Cannes, qui lui ont décerné le prix SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), sans doute le premier d’une longue et fructueuse aventure en festivals.

“Le Ravissement” doit d’abord sa réussite à une sublime lumière signée Marine Atlan, à la fois colorée et feutrée, qui prend doucement notre regard par la main pour lui faire rencontrer successivement visages, costumes et décors. Elle accompagne avec pudeur les nombreuses scènes d’accouchement parsèmant le récit, et plus particulièrement celui du personnage de Salomé, soutenue par sa meilleure amie sage-femme, Lydia. Et alors que l’opération s’avère plus difficile que prévue, celle-ci va peu à peu se découvrir une affection maternelle presque maladive pour le nourrisson de son amie…

Tandis que “Tu mérites un amour” limitait considérablement Hafsia Herzi (Lydia) dans son jeu, Iris Kaltenbäck lui offre enfin ici l’occasion d’explorer tout son immense talent, grâce notamment à des dialogues très justes, qui sous couvert de normalité cachent en fait une grande subtilité. Jouant avec brio de ses airs nonchalants, l’actrice exploite la moindre esquisse de sourire ou lueur dans le regard pour créer tout une palette d’émotions qui, magnifiées par la lumière de Marine Atlan, crèvent l’écran.

Elle peut aussi compter sur le soutien de l’excellent Alexis Manenti (“Les Misérables”, “Athéna”) ainsi que la trop méconnue Nina Meurisse (Salomé), qui signe une superbe performance au vue de la complexité de son personnage, tiraillé entre son devoir de mère et sa profonde amitié pour Lydia.

En fait, le long-métrage d’Iris Kaltenbäck est parfait dans ce qu’il entreprend, et l’on ne peut qu’être impatient de découvrir ce que la réalisatrice nous réserve pour son second projet.

  • Pierre Gabioud
Catégories : Critique de film